Longue journĂ©e de vol aujourd’hui. 307 nautiques Ă parcourir entre la piste privĂ©e de Blue Mountain Valley, situĂ©e Ă l’ouest de Johannesburg, et Gariep Dam (FAHV), en plein centre de l’Afrique du Sud. C’est un pays immense, grand comme presque trois fois la France, et il faut continuer Ă avancer pour espĂ©rer atteindre Le Cap vendredi midi.
Trois tronçons étaient au programme :
1. Blue Mountain Valley – Parys (FAPY)
2. Parys – Bloemfontein (FATP)
3. Bloemfontein – Gariep Dam (FAHV)
LevĂ©s Ă 6h du matin, nous n’avons pu quitter Blue Mountain que vers 10h30. TrĂšs tard donc ! Il a fallu ranger la tente, les sacs de couchage, faire la queue pour la douche (on campait tous sur le terrain et il n’y avait qu’une seule douche pour les femmes), prĂ©parer l’avion, dire au revoir Ă nos hĂŽtes, et enfin attendre que la radio de Nick (Team Alaska) soit rĂ©parĂ©e (elle aurait pris l’eau pendant la nuit la veille, Ă cause de l’orage). La roulette de queue du Travelair de Pedro (Team Canada) a Ă©tĂ© abĂźmĂ©e hier en fin de journĂ©e, alors qu’il faisait quelques tours de piste pour le plaisir, et malgrĂ© le fait que plusieurs pilotes/mĂ©caniciens du rallye s’activaient autour depuis hier soir, elle n’Ă©tait toujours pas rĂ©parĂ©e Ă 10h30 ce matin. Nous aurions aimĂ© attendre Pedro mais les deux Tiger Moth encore en course dans le rallye vont l’attendre et partiront avec lui. Pas besoin d’attendre tous ensemble donc, nous dĂ©cidons de mettre les voiles avec Team Alaska et le Stampe de Roel !
Le premier vol est trÚs agréable et plutÎt court, 60 nautiques à travers de belles vallées. Vol en formation avec le Stampe de Roel (voir notre post précédent).

Parys (FAPY) est un trĂšs chouette petit aĂ©rodrome avec tout ce qu’il faut pour rendre heureux les pilotes d’aviation gĂ©nĂ©rale : un restaurant avec vue sur piste, une station essence, et un accueil serviable et efficace. Une fois posĂ©s, nous nous dirigeons donc vers le restaurant pour prendre un copieux petit-dĂ©jeuner. Mais Ă peine notre commande passĂ©e, les premiĂšres gouttes d’eau tombent, elles deviennent de plus en plus grosses…la pluie s’invite au programme !!! Il faut courir retourner aux avions, garĂ©s Ă 100 mĂštres dans l’herbe, pour installer les bĂąches et attacher les ailes ! Nous mangerons des Ćufs au plat et du bacon froids đ
AprĂšs le petit-dĂ©j, il faut remettre de l’essence dans nos avions. Les barils d’AVGAS prĂ©vus pour nous sont apparemment dĂ©jĂ vides ! Les quelques autres avions du rally arrivĂ©s ici avant nous ont tout pris ! Ce n’est pas leur faute, juste un mauvais calcul des quantitĂ©s dont tout le groupe avait besoin… Nous aspirerons donc le fond des barils pour le Travelair de Nick et notre Stampe et nous aurons tout juste ce qu’il nous faut pour notre prochain vol… Nous sommes les deux derniers biplans Ă passer, les autres sont dĂ©jĂ devant nous ou bien restĂ©s Ă Blue Mountain avec Team Canada…
Nous dĂ©collons vers 14h et le ciel est bien chargĂ© de gros cumulonimbus et d’averses de pluie. Il faut aller vers le sud-ouest mais l’horizon est bouchĂ©. Nous filons donc plus Ă l’ouest, oĂč le relief est le plus bas, et rejoindrons notre route plus tard. Cette partie de l’Afrique du Sud est truffĂ©e de hauts plateaux et de montagnes. L’Ă©lĂ©vation de Parys Ă©tait d’environ 4500 pieds, idem pour les deux autres terrains du jour. Il faut contourner plusieurs grosses cellules, on prendra de la pluie, impossible de tout Ă©viter…

PhĂ©nomĂšne encore inconnu pour CĂ©dric et moi : des Ă©clairs sortent de nuages clairs et sans pluie ! Il y a de l’Ă©lectricitĂ© partout ici ! Comment savoir oĂč tombera le prochain ? Nous avançons en priant que la foudre ne tombe pas sur nous ! Ouf, le terrain de Bloemfontein est en vue. Atterrissage sportif avec vent de travers et turbulences. Un gros nuage noir se trouve Ă proximitĂ© du terrain, vite il faut Ă nouveau faire le plein avant que ce ne soit le dĂ©luge. Les rĂ©servoirs sont Ă peine remplis que les premiĂšres gouttes tombent, dĂ©cidĂ©ment c’est la journĂ©e ! On sĂ©curise l’avion et on installe la bĂąche puis on court se rĂ©fugier dans le petit aĂ©ro-club ouvert.
Le OO-GWB sous la pluie Ă Bloemfontein :

Accueil formidable comme d’habitude. On s’installe dans de grands et confortables fauteuils en cuir et on attend que le dĂ©luge passe… Il fait chaud et, bonheur ! L’aĂ©roclub vend des cornets glacĂ©s ! Des Magnum et des Cornetto ! Chacun choisit le sien et savoure ce petit instant de dĂ©tente dans le silence. Au bout d’une heure, ni le tonnerre ni la pluie ne cessent. On calcule que le dernier dĂ©collage c’est 18h au grand plus tard. Le coucher du soleil est Ă 19h15 Ă Gariep Dam, notre destination finale, et nous avons 1h15 de vol (98 nautiques), en comptant sur du vent de dos ! Il est 17h45, le tonnerre a cessĂ© mais pas la pluie. C’est toujours la douche et l’inondation :

On sort quand mĂȘme dehors deux minutes pour examiner l’horizon et on voit qu’il s’Ă©claircit francement, derriĂšre la silhouette du Travelair de Team Alaska :

On rentre trempĂ© đ Un instructeur local appelle un de ses amis qui lui envoie une photo prise Ă quelques kilomĂštres de lĂ : grand ciel bleu ! CĂ©dric appelle aussi Ingo, le pilote allemand du BĂŒcker dĂ©jĂ arrivĂ© Ă Gariep Dam car parti beaucoup plus tĂŽt ce matin, et il nous confirme qu’il fait beau lĂ -bas. Nous sommes 4, Nick et Lita de Team Alaska, et CĂ©dric et moi Ă devoir prendre une dĂ©cision, ensemble. Les locaux nous encouragent Ă rester ici pour la nuit et nous proposent gentiment de chercher un lodge pour nous. C’est tentant mais on a envie de continuer… Si on reste ici pour la nuit, la journĂ©e de vol sera trĂšs longue demain et nous n’avons mĂȘme pas une brosse Ă dent avec nous pour ce soir. En effet, tous nos bagages sont dĂ©jĂ Ă Gariep Dam, transportĂ©s dans un Van car l’Antonov (l’avion cargo du rallye) a arrĂȘtĂ© l’aventure Ă Johannesburg… Il est 17h55, on dĂ©cide de commun accord d’y aller, quitte Ă ĂȘtre bien mouillĂ© pendant les 15 premiĂšres minutes du vol, car la pluie n’a pas encore tout Ă fait cessĂ©. On file donc aux avions, on dĂ©bĂąche, on protĂšge les iPads, on essuie un peu les siĂšges (ils sont trempĂ©s malgrĂ© la bĂąche), CĂ©dric dĂ©marre le
moteur Ă la main (pour sauver la batterie, et oui le problĂšme n’est toujours pas rĂ©glĂ©…), l’inspection prĂ©-vol est faite, hop c’est parti !
Nick dĂ©colle en premier avec son Travelair…dĂ©collage musclĂ©…Ă peine ses roues sont en l’air que l’avion dĂ©rive brutalement vers la gauche. Au moins on sait Ă quoi s’attendre ! C’est au tour de CĂ©dric. Idem, l’avion dĂ©vie directement de l’axe de piste vers la gauche malgrĂ© la correction de vent bien entendu appliquĂ©e par CĂ©dric ! Le vent est encore trĂšs fort mĂȘme si l’orage est passĂ©… bref, tout se passe bien finalement… Les deux biplans sont en l’air !
Ce dernier vol aujourd’hui restera pour moi, avec le Soudan, comme l’un des plus beaux de tout notre voyage. LumiĂšre Ă©clatante, paysages de Far West, ciel dramatique !




Nous ne regrettons pas d’ĂȘtre partis, mĂȘme si c’Ă©tait un peu forcĂ© le destin…L’arrivĂ©e sur le lac artificiel de Gariep Dam nous fait penser Ă Ouarzazate. Une impression de bout du monde, et de paix. Dire que des gens vivent lĂ toute l’annĂ©e. Il est 19h16 (!), Keith et Justin nous accueillent les bras ouverts, avec cidres et biĂšres, et nous offrent une place dans leur hangar pour la nuit, afin de pouvoir charger notre batterie… Merci Keith et Justin !
Sans l’hospitalitĂ© et la gĂ©nĂ©rositĂ© des locaux, ce voyage n’aurait probablement pas pu se faire jusqu’au bout ! C’est grĂące Ă la solidaritĂ© de tous ces hommes et femmes que nous rencontrons Ă chaque Ă©tape, qui partagent la mĂȘme passion que nous, que notre petit oiseau a pu Ă chaque fois repartir et continuer son chemin. Quand on voyage comme ça et qu’on est loin de chez soi, c’est avec les locaux qu’il faut compter. Bien sĂ»r, on n’est jamais Ă l’abri d’une mauvaise surprise. Mais dans l’immense majoritĂ© des cas, vous recevez des mains tendues et des sourires, absolument gratuits, parce qu’en fin de compte ces gens sont toujours fiers et honorĂ©s de vous accueillir sur leurs terres. Je pense que tous les voyageurs, les vrais voyageurs, qu’ils soient marins, pilotes ou marcheurs, partageront ce point de vue.